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7 jan. 15

La voie étroite

Deux députés de la majorité ont interpellé le gouvernement sur l'opportunité de rendre obligatoire le recours à un agent immobilier pour réaliser la vente ou l'achat d'un logement. Cette proposition a de quoi surprendre. Il faut d'abord y voir un hommage et le goûter quand on exerce ce métier et qu'on croit en son utilité économique et sociale. Il est alors tentant d'approuver cette proposition et de vouloir la défendre...

 

Par François Gagnon, Président ERA Europe et ERA France

 

Deux députés de la majorité ont interpellé le gouvernement sur l'opportunité de rendre obligatoire le recours à un agent immobilier pour réaliser la vente ou l'achat d'un logement. Cette proposition a de quoi surprendre, d'autant qu'elle n'a été influencée par aucun syndicat ni aucun réseau... et qu'elle tranche parmi les messages politiques souvent moins amènes vis-à-vis des professionnels de la transaction résidentielle. Il faut d'abord y voir un hommage et le goûter quand on exerce ce métier et qu'on croit en son utilité économique et sociale. Il est alors tentant d'approuver cette proposition et de vouloir la défendre.

 

Tout d'abord, elle part de deux constats d'évidence. Le premier, fondé sur l'indiscutable succès des sites Internet d'annonces favorisant les transactions de gré à gré, met en avant le risque couru par les vendeurs comme les acquéreurs. Une information insincère et incomplète, une estimation du prix hasardeuse, un avant-contrat rédigé sans compétence, la liste des écueils est longue et les cas de contentieux nombreux. A l'inverse, le professionnel apporte dans ces matières la garantie de sa compétence. En outre, il est assuré en responsabilité civile professionnelle pour les erreurs qui affecteraient son service. Le second constat a trait à la perte en ligne fiscale pour l'Etat : les honoraires de l'agent immobilier sont grevés de la TVA et l'intermédiation vaut mieux à cet égard pour le budget du pays que les transactions de particulier à particulier.

 

On pourrait même sans doute, au-delà des arguments que les deux parlementaires socialistes mettent en avant, en trouver d'autres. Ainsi, l'association Dinamic, qui pilote les observatoires notariaux, a établi que les prix des biens faisant l'objet de transactions intermédiées étaient en moyenne inférieurs de 4% aux prix des biens cédés de gré à gré : le pouvoir d'achat des acquéreurs s'en trouve mieux défendu. On vérifierait aussi sans peine que les ventes par agent immobilier se réalisent dans des délais nettement inférieurs : l'agent immobilier est gage de la fluidité du marché.

 

Pourtant, en dépit de tout cela, il ne faut pas souscrire à l'idée d'un passage obligé, pour des raisons fortes. La première consiste, si l'on m'autorise d'emprunter au registre du cœur, à croire davantage aux histoires d'amour qu'aux mariages arrangés. Il appartient aux professionnels de la transaction de démontrer leur valeur ajoutée et d'augmenter leur taux de pénétration. D'ailleurs, la loi ALUR, en rendant obligatoire par exemple de préciser dans le mandat de vente les moyens mis en œuvre pour parvenir au résultat, conduit les agents immobiliers sur le chemin de la démonstration de la valeur ajoutée, et donc sur son accentuation. La même loi, à la demande des deux principales organisations professionnelles, conditionne l'autorisation d'exercer au suivi de la formation continue, gage de compétence majorée.

 

Une autre raison de poids tient aux conséquences du monopole, qui sont bien connues : lorsque le client est contraint de passer par vos fourches caudines, est-il encore un client ? Ne devient-il pas bientôt un administré, qu'on a nul besoin de satisfaire ni de fidéliser ? A la clé du monopole, il y a le risque de médiocrité. Il faut avoir chevillé au corps le sens du service pour ne pas s'assoupir et s'amollir quand on n'a plus rien à prouver et qu'on vous sert votre chiffre d'affaires sur un plateau. Précisément, il a été choisi à l'origine une autre formule, celle de la règlementation des activités, protectrice du consommateur, non celle de la création d'une profession ordinale, qui sous-entend justement le monopole. Le débat de la loi ALUR a remis sous les feux de la rampe la question de l'organisation de la profession : ni les pouvoirs publics ni les syndicats n'ont fait le choix de la création d'un ordre, qui serait la condition d'un monopole.

  

Enfin, le monopole donne le sentiment d'un corps professionnel homogène, alors que le vivier des agents immobiliers s'est développé sur le principe de la différenciation, par les services, par la valeur ajoutée, par le prix aussi. A terme, cette diversité, qui est une richesse, s'affadirait et les agents immobiliers, sans intérêt de se distinguer les uns des autres, finiraient par se ressembler, et l'alignement ne se ferait pas forcément sur les mieux-disants...

 

Certes, se faire tellement apprécier des ménages qu'ils recourront de plus en plus à nous est difficile. C'est une voie étroite, mais elle est plus vertueuse que l'obligation. A la facilité du monopole de droit, je préfère l'effort de mériter sans cesse une meilleure place dans le cœur et dans l'esprit des familles.