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22 oct. 19

L’objectif de construire plus et moins cher s’éloigne

Nous venons d’apprendre que l’exonération de la taxe d’habitation de la résidence principale n’entrerait en vigueur, pour les 20% des Français les plus aisés qu’en 2021 pour le premier tiers, 2022 pour le deuxième et 2023 pour le troisième. Selon Bercy, cette suppression devrait représenter 7 milliards d’euros, qui devront être compensés auprès des collectivités locales. Il est probable que cette mesure coûte finalement en année de croisière de l’ordre de 26 milliards.
Ce « cadeau » fiscal fait aux ménages, qui en sont ravis en première approche, a été consenti avec les moyens des communes, sans leur concertation, avec un doute profond quant à la réalité et à la durabilité de sa compensation par un État historiquement plus prompt à priver les collectivités de leurs ressources qu’à leur permettre d’obtenir de nouvelles finances. Or, la taxe d’habitation constitue 34% des recettes des communes.

C’est contre toute attente le logement qui va faire les frais des libéralités de l’Élysée en matière de fiscalité locale sur le logement. Les maires, on le sait, lèvent un peu, parfois beaucoup le stylo sur les signatures de permis de construire la période qui précède les élections municipales. Cette fois, deux ans avant l’échéance, on leur a donné une raison forte de ne plus favoriser la production de nouveaux logements dans leur commune : comment un maire responsable s’engagerait-il à faire arriver chez lui des centaines de familles, avec leurs besoins de services publics de proximité, écoles, crèches, transports, antennes de police, sans savoir s’il aura les moyens de répondre à ces demandes avec un budget communal qui se réduit ? À tout le moins, les maires n’auront-ils pas voulu autoriser des chantiers qui hypothèquent le mandat suivant ; en clair, en vertu d’un compte à rebours bien connu s’agissant de la chronologie d’une construction, qui commence avec l’octroi de l’autorisation administrative, jusqu’à la livraison en passant par la purge des recours et la construction à proprement parler, ils ont ralenti la délivrance des permis dès 2017 pour la plupart, devenant parcimonieux depuis deux ans. Autre conséquence : alors que la loi ELAN a décrété la mobilisation foncière, les maires, qui disposent de terrains et peuvent les céder à des prix élevés vont préférer attendre.

Sous couvert de combler les Français en gommant un impôt de la longue liste de ceux dont ils sont redevables, l’État leur a joué le mauvais tour d’affaiblir le sous-jacent de cet impôt, le logement. À n’en pas douter, un enjeu crucial des municipales sera là, dans la compatibilité à trouver entre des moyens financiers moindres, assortis d’hypothèques budgétaires lourdes, et la nécessité de répondre aux besoins en logements neufs. Et cette équation devra être équilibrée sur tout le territoire, y compris dans les communes rurales ou urbaines, les moins riches, où les habitants ont déjà exprimé leur sentiment de délaissement.

La réaction des maires ne s’est pas fait attendre. Bien sûr, ils n’ont pas apprécié que l’exécutif offre en quelque sorte une tournée générale. Il leur a même été dit qu’ils n’avaient qu’à économiser l’équivalent sur leur train de vie dispendieux. Depuis cet épisode, l’attitude du Président de la République envers les élus municipaux a bien changé, marquée par une estime apparente. Le chef de l’Etat et son gouvernement ont compris que le peuple se sentait gouverné d’en haut et que les élus de proximité incarnaient leur salut.

Le problème est que le mal est fait, et que ses effets vont bien au-delà de la dégradation d’un lien institutionnel majeur entre l’exécutif national et les élus locaux.

En tout cas, l’objectif de construire plus et moins cher s’éloigne et c’est dommage pour la France.