30 sep. 14

Crise immobilière et crise du logement

Ceux qui voient dans notre pays une crise immobilière se trompent : c'est bien une crise de l'offre de logements qui affecte la France, et non un dérèglement du marché.

Par Philippe Taboret, Directeur Général Adjoint de Cafpi

 

 

 

Le congrès HLM nous invite à nous interroger sur la panne de la construction de logements en France : elle affecte certes, par priorité, le secteur privé, mais aussi le monde HLM, dont les performances de production sont elles-mêmes en retrait de 25% par rapport aux objectifs et par comparaison avec les chiffres de bonnes années antérieures. Pourtant, ce secteur est gouverné par la commande publique, expression de la volonté politique, et alimenté par des circuits de financement établis.

 

Une preuve de plus que le diagnostic n'est pas stabilisé, et que ceux qui voient dans notre pays une crise immobilière se trompent : c'est bien une crise de l'offre de logements qui affecte la France, et non un dérèglement du marché.

 

Le marché a perdu son souffle et son dynamisme. On pointe du doigt la désolvabilisation de la demande, et on en conclut un peu vite qu'une bulle se serait formée, gonflant artificiellement les prix. Il n'en est rien. L'affaiblissement progressif de la demande solvable, dans le neuf surtout -par définition plus cher- et dans l'ancien sur les territoires tendus, où les prix ont le plus augmenté -jusqu'à dépasser ceux du neuf- a effectivement fini par exténuer les possibilités contributives des ménages. Du coup, le nombre des achats a baissé. Le marché de la revente s'est réduit de 20% en volume, et celui du neuf de près de 35% par rapport à des millésimes estimés correspondre aux besoins.

 

Cette réduction de la taille des marchés du neuf et de l'ancien, pour importante qu'elle soit, reste moindre que ce qui serait à craindre : précisément, les besoins sont là, considérables, et en dépit de la déconnexion entre les prix et les moyens financiers des familles, les acquisitions se font encore en quantité. C'est heureux, mais il ne faut pas se cacher le problème de fond, l'offre est insuffisante et la relance passe par plusieurs conditions.

 

Pour le neuf, il est urgent de donner aux promoteurs et aux constructeurs de maisons individuelles les moyens de produire moins cher. Les normes sont en cause, mais il faut désormais cesser de les dénoncer et supprimer les plus onéreuses et les moins justifiées. Trois normes, sur les quelque 6000 qui pèsent sur les producteurs, sont à elles seules responsables de l'ordre de 15% du coût ! La norme relative à l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, la norme anti-sysmique et l'obligation d'assortir tout logement de deux parkings sont parmi les plus coupables. Il ne s'agit pas de négliger leur objectif, mais de substituer le sur-mesure au systématique.

 

La rareté du foncier disponible est également montrée du doigt à juste titre : le projet de loi de finances va comporter un abattement exceptionnel de nature à inciter les propriétaires privés à céder leurs terrains. Il serait salutaire que l'Etat et les collectivités, appliquant d'ailleurs seulement la récente loi de mobilisation foncière, se défassent de leurs emprises inutiles et vendent cette précieuse matière première aux promoteurs privés et publics. Il est majeur en outre que la technique inflationniste des enchères disparaisse et que les prix soient fixés de façon politiquement responsable.

 

Enfin, maintenant que les équipes municipales élues ou réélues sont en place, on attend que les permis de construire soient délivrés avec moins de parcimonie et que l'envie d'abonder l'offre se substitue au malthusianisme chez les maires. Au demeurant, les plans locaux d'urbanisme intercommunaux, création de la loi ALUR, devraient rassurer les édiles les plus frileux : la responsabilité de produire plus sera concertée et collective, où elle était étroitement communale. Au demeurant, le renforcement des sanctions contre les recours malveillants devrait faire chuter la quantité de programmes compromis par cette pratique devenue ordinaire : on estime aujourd'hui à 30 000* le nombre de logements qui ne sont pas construits chaque année à cause de cette épée de Damoclès.

 

Pour l'ancien, la condition de la reprise serait sans conteste une correction sur le prix des biens, comme elle a déjà eu lieu à certains endroits depuis près de deux ans. Cependant, avec une demande nettement supérieure à l’offre, il est illusoire d’espérer de tels ajustements dans les zones tendues. Sur ces marchés spécifiques, l’ancien reste pourtant le principal, sinon le seul, levier sur lequel il est possible d’agir, les possibilités de construire étant réduites. Plusieurs solutions ont été évoquées ces dernières années pour renouveler l’offre, comme la surélévation des immeubles existants, pour le moment, aucune d’entre elles n’a vraiment eu d’impact. Il existe pourtant dans ces zones des logements et locaux commerciaux vacants, inutilisés car dégradés. Des mesures permettant leur retour sur le marché donneraient un souffle nouveau à ces marchés particuliers et engageraient une certaine reprise.

 

On le voit, les remèdes à l'asthénie actuelle des marchés existent et ils sont à notre portée. Il semble que le gouvernement en ait une conscience claire. Il reste à répondre à l'urgence en décidant, au-delà des annonces, pour que les producteurs disposent des leviers nécessaires et que les ménages bénéficient partout d'une offre plus compatible avec leur pouvoir d'achat.

 

 

 

*Source : Livre « Au secours, les recours ! » de Carol Galivel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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