Réforme des notaires : l’enjeu de la transaction
Bien malgré eux, les très discrets notaires ont beaucoup fait parler d'eux ces temps-ci. Dans cette période folle, les plus protégés, les plus illustres, ne sont pas à l'abri. Pourquoi ? Parce qu'à défaut de pouvoir distribuer l'argent public, devenu rare, et de soutenir ainsi la demande, l'Etat exige des efforts de chacun pour redonner du pouvoir d'achat aux ménages. Les professions règlementées font collectivement les frais de ce phantasme officiel : ce qu'ils ne factureront pas redonnera du pouvoir d'achat aux ménages.
D'ailleurs, au rang de ces métiers montrés du doigt, notaires, huissiers, mandataires de justice, on oublie qu'il y a les agents immobiliers et les administrateurs de biens, dont les activités sont règlementées: ils ont ouvert le feu. En effet, la loi ALUR, qu'on a stigmatisée pour l'encadrement des loyers, la GUL ou encore les obligations d'information des acquéreurs de lots de copropriété, a aussi plafonné les honoraires de location et forfaitisé les honoraires de syndic. Bref, les professionnels de la transaction et de la gestion ont été les premiers sollicités pour, soi-disant, redonner du pouvoir d'achat aux Français. Le législateur s'est d'ailleurs trompé sur l'essentiel dans la loi ALUR: il a multiplié les contraintes des agents immobiliers et des administrateurs de biens, mais aussi des propriétaires et des copropriétaires, il a compliqué à l'envi tous les actes de la vie quotidienne immobilière. Dans le même temps, il a nourri l'espoir de faire baisser le prix des services...
A une logique de redistribution pour le moins contestable, la réforme en cours des professions règlementées ajoute un défaut: n'oublie-t-elle pas un acteur majeur des ventes de logements, les notaires justement ? Ils sont autorisés à faire de la transaction immobilière à titre accessoire, sans que l'observance de ce critère soit d'ailleurs jamais vérifiée par les autorités. Ils doivent respecter des règles de déontologie - codifiées dans un arrêté du 27 mai 1982 -, notamment pour que le public ne confonde pas entre leur rôle d'officier ministériel et celui de commerçant: les annonces de biens à vendre ne peuvent figurer en devanture des offices. Ces règles sont régulièrement malmenées sans que l'Etat ne s'en indigne. En outre, rien en termes de conflit d'intérêt : il ne choque pas le législateur qu'un notaire liquidant une succession puisse capter les mandats de cession des actifs du patrimoine concerné, bref être juge et partie.
Mais passons... S'il n'y avait que cela! Ce sont aussi les règles tarifaires qui sont dérogatoires. Les notaires, par différence avec les agents immobiliers, peuvent demander à leurs clients vendeurs de prendre en charge les débours pour frais de publicité, qui constituent un poste budgétaire majeur pour parvenir à une vente. Les notaires bénéficient aussi d'honoraires définis par décret, échappant à toute négociation possible de la part des ménages recourant à eux, alors que les agents immobiliers sont exposés à tous les vents et constatent l'érosion inexorable de leur rétribution au gré de la désolvabilisation des Français.
En somme, tout se passe comme si le regard du gouvernement ignorait la place des notaires dans le paysage de la transaction, en faisant semblant de croire qu'ils ne procèdent qu'à l'authentification des actes. Est-ce pour leur laisser des privilèges sur l'accessoire et faire digérer les bouleversements consentis, à savoir la fin du numerus clausus et la réglementation autoritaire sur les honoraires de mutation ? Est-ce par ignorance qu'ils tiennent de l'ordre de 15 à 20% du marché des ventes en France ? En tout cas, les agents immobiliers ne comprendraient pas cette impasse dans la copie annoncée de Monsieur Macron pour moderniser la profession notariale si elle se confirmait. Il faut aller au bout du rééquilibrage. C'est un enjeu d'équité.
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Relations presse immobilier