Comprendre l'immobilier
Besoin de connaître l’actualité immobilière ? D’un cours de rattrapage sur la dernière loi en vigueur ? Ou juste curieux sur un sujet précis ?

21 nov. 2025
Rénovation énergétique : quand la transition écologique menace le patrimoine bâti
De plus en plus de propriétaires dénoncent les effets pervers du dispositif de rénovation énergétique français. Entre diagnostics de performance énergétique (DPE) incohérents, réglementations mouvantes et aides mal calibrées, de nombreuses rénovations se transforment en impasse financière et patrimoniale. Sur l’île d’Yeu, un couple en a fait l’amère expérience : leur maison en pierre, initialement classée « E », a été rétrogradée en « G » après une modification des critères du DPE, malgré des travaux d’isolation et de remplacement des fenêtres. Un déclassement qui les empêche désormais de louer leur bien saisonnier, la loi Le Meur imposant un minimum de « E » pour les meublés touristiques.
Des rénovations parfois absurdes et coûteuses
Le nouveau DPE, calculé sur des estimations plutôt que sur la consommation réelle, multiplie les aberrations techniques. Les propriétaires de l’île d’Yeu se sont vu recommander d’isoler leurs murs en pierre par l’extérieur, de détruire leurs sols anciens ou encore d’installer une pompe à chaleur surdimensionnée. Des solutions inadaptées, coûteuses et contraires aux contraintes patrimoniales locales.
La situation est similaire à Paris, où les habitants de l’immeuble Mouchotte, chef-d’œuvre moderniste signé Jean Dubuisson, se mobilisent contre un DPE collectif classant le bâtiment en « F ». Craignant des travaux dénaturant sa façade emblématique, l’association Sauvons Mouchotte alerte sur « une décision écologiquement aberrante » et un risque de perte du label d’architecture contemporaine remarquable. Les copropriétaires dénoncent également des promesses de subventions trompeuses via MaPrimeRénov’ et des gains énergétiques incertains.
Patrimoine ancien : le grand oublié des politiques énergétiques
Dans les communes rurales, les dérives sont tout aussi préoccupantes. À Airion, dans l’Oise, une isolation à 1 euro a entraîné un conflit entre voisins propriétaires d’un ancien relais de poste du XVIᵉ siècle, dont les colombages ont été recouverts de polystyrène. « Les murs vont pourrir ! » alerte l’un d’eux, dénonçant « un saccage du patrimoine ». Ce type d’erreur illustre l’absence de prise en compte du bâti ancien dans les politiques publiques.
Les associations de sauvegarde tirent la sonnette d’alarme. « Le DPE ne connaît ni la terre, ni le bois, ni la pierre », souligne Gilles Alglave, président de Maisons paysannes de France, qui réclame un moratoire pour les bâtiments d’avant 1948. Selon la commission d’enquête sénatoriale, ces constructions représentent un tiers du parc résidentiel français, souvent classées « F » ou « G » alors qu’elles sont conçues selon des principes bioclimatiques et se révèlent agréables à habiter l’été.
Vers une évolution du cadre législatif
Face à ces constats, une proposition de loi visant à introduire la notion de « bâti ancien » dans le Code de la construction a été adoptée à l’unanimité au Sénat et doit encore être examinée à l’Assemblée nationale. Les associations espèrent qu’elle permettra de concilier efficacité énergétique et respect du patrimoine.
Entre injonctions écologiques et contraintes réglementaires, la rénovation énergétique du parc ancien cristallise désormais un dilemme majeur : comment concilier sobriété énergétique et sauvegarde d’un patrimoine architectural unique, sans transformer la transition écologique en entreprise de défiguration ?