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9 juil. 15

Aide de 100 millions aux maires bâtisseurs : une mesure optique

Il faut passer d'une politique sans souffle, curative, à un véritable élan imprimé par le gouvernement, entraînant les collectivités locales. Un pacte de construction vaudrait mieux que toutes les aides, qui affaiblissent le budget global du logement sans résoudre le problème de fond.

On pourrait parler de poudre aux yeux. On dira plus courtoisement que la dernière mesure prise par la ministre du Logement, de l'Egalité des Territoires et de la Ruralité -matérialisée par un décret paru le 26 juin dernier- est optique : elle a l'allure d'une mesure forte, mais en réalité elle sera sans efficacité. La courtoisie s'impose parce que sans conteste Madame Pinel a cru bien faire, et elle a identifié un vrai blocage. De quoi s'agit-il ? Un fonds doté de 100 millions d'euros est créé pour soutenir les communes actives en matière de construction résidentielle.

 

Dans le détail, l'aide s'élève à 2000 euros par logement construit au-delà du taux de croissance normal du parc, statistiquement de 1% en moyenne nationale. Elle ne concerne que les communes situées en zones tendues dans lesquelles le potentiel financier par habitant n'excède pas 1 030 euros, à l'exclusion de celles dont le parc a une proportion de logements sociaux inférieure aux 25% légaux. Au bout du compte, 1 200 villes seraient dans la cible, majoritairement en Ile-de-France et en Outre-Mer, mais aussi en PACA et en région Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon.

 

Pourquoi cette aide ? Les maires seraient plus enclins à délivrer des permis de construire s'ils savaient quelles obligations les attendent ensuite : les nouveaux habitants vont avoir besoin et réclamer des services et des infrastructures. Soit. Il est louable que le gouvernement ait identifié ce problème et ait voulu le traiter.

 

Seulement voilà, le remède n'est pas à la mesure du mal, et en outre il est mal administré. Sa puissance d'abord est insuffisante : n'importe quel maire sait que le coût par logement de ce qui devra accompagner la construction d'un programme est bien plus élevé que l'enveloppe offerte par la mesure. D'autre part, ne pas ouvrir le droit à l'aide aux communes dites "carencées" sera contre-productif : par définition, elles sont celles qui ont le plus grand besoin d'encouragement, et le gouvernement les désigne à la vindicte plutôt que de les aider à mieux faire.

 

Surtout, la logique profonde de l'aide, certes conçue sur le fondement d'une bonne intention, a de quoi choquer. Elle fait penser à ces cadeaux que des parents croient opportun de promettre à leurs enfants sous condition qu'ils travaillent bien à l'école. Soit s'efforcer à l'école a du sens et mène à réussir son parcours de vie, et les cadeaux n'y changeront rien, soit c'est un effort tellement vain qu'il faut lui ajouter un attrait exogène. De façon symétrique, produire des logements en France est nécessaire, alors que le nombre d'autorisations de construire continue sa descente aux enfers et qu'il est d'une urgence vitale d'inverser la tendance.

 

Il serait plus conforme aux enjeux et plus digne de démontrer aux maires qui ne le réalisent pas que construire rapporte des recettes de taxes foncières et d'habitation majorées. Qu'accueillir plus de familles génère une activité économique vertueuse pour les commerces, et prioritairement les commerces de proximité, créateurs de richesse et d'emplois localisés. On sait également que les entreprises sont désormais hautement attentives à la capacité d'une ville à héberger leurs salariés avant de s'y établir : plus de logements, c'est plus de sociétés. D'ailleurs, des maires ruraux ont l'audace de dynamiser la construction sur leur territoire pour attirer les entreprises, et la logique fonctionne parfaitement. La construction résidentielle est le principal ressort de l'aménagement du territoire. Enfin, dans les zones tendues, la rareté de logements ou seulement l'insuffisance entraîne ceux qui y travaillent à aller en périphérie, voire plus loin, conduisant des villes significatives à fermer des écoles ou à supprimer des services publics locaux.

 

Il faut passer d'une politique sans souffle, curative, à un véritable élan imprimé par le gouvernement, entraînant les collectivités locales. Un pacte de construction vaudrait mieux que toutes les aides, qui affaiblissent le budget global du logement sans résoudre le problème de fond.