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18 jan. 22

10 raisons de croire en l’avenir du commerce physique

Bilan 2021 et perspectives 2022 du marché immobilier des commerces en France

Après la baisse historique de 2020, la consommation des ménages a nettement rebondi en 2021, ce qui a permis au marché français des commerces de se redresser malgré des performances encore très inégales selon les types de formats, territoires et catégories de produits. Si la déferlante Omicron fragilise de nouveau l’activité, la capacité d’adaptation dont les enseignes ont fait preuve depuis le déclenchement de la crise sanitaire et les bons fondamentaux de l’économie française incitent néanmoins à l’optimisme. Knight Frank France dresse le bilan du marché immobilier des commerces et livre dix raisons de croire en l’avenir du commerce physique.  

  1. La consommation a remarquablement résisté à la crise sanitaire

Après avoir chuté de 7,2 % sur un an en 2020, la consommation des ménages a rebondi de plus de 4 % en 2021, sur fond d’accélération de l’activité économique et de nette progression du pouvoir d’achat. Les ventes en ligne ne sont pas les seules à avoir bénéficié de cette embellie. Ainsi, l’épidémie a eu un impact plus modéré sur l’évolution des ventes en magasin, les commerces non essentiels n’ayant pas été contraints de fermer aussi longtemps qu’en 2020. Malgré l’explosion du nombre de contaminations liées au variant Omicron, les perspectives pour les mois à venir restent, à ce stade, positives. La consommation devrait en effet continuer de progresser, mais à un rythme probablement moins soutenu que l’an passé en raison d’un début d’année pénalisé par la mise en place de nouvelles mesures de restriction. « La hausse de l’inflation devrait également peser sur la consommation, même si l’utilisation d’une partie de l’épargne accumulée depuis le début de la crise sanitaire pourrait compenser la décélération attendue du pouvoir d’achat en 2022 » indique Antoine Grignon, Directeur du département Commerces chez Knight Frank France.

  1. La grande majorité des enseignes placées en redressement ont été reprises

En 2020, le premier confinement s’était accompagné d’une vague importante de procédures de redressement. Deux ans après le début de la crise sanitaire, le bilan n’est pas aussi sombre qu’on pouvait le craindre. D’une part parce que les procédures ont été moins nombreuses en 2021, avec 15 enseignes placées en redressement contre une trentaine en 2020 ; d’autre part parce que les défaillances ont été très limitées, la grande majorité des enseignes concernées par une procédure depuis 2020 ayant déjà été reprises (62 % du nombre total). L’impact sur l’immobilier est tout de même conséquent : ces opérations ont conduit à la fermeture de centaines de magasins, les plans de reprise ne conservant qu’un peu moins des deux tiers des quelque 4 100 points de vente dont disposaient ces enseignes avant la crise sanitaire. « Toutefois, en se délestant des points de vente les moins rentables et en concentrant leurs investissements sur un nombre plus réduit de magasins qu’elles adaptent aux nouvelles tendances de marché, ces enseignes semblent désormais mieux armées pour affronter les aléas de la crise sanitaire » explique Antoine Grignon.

  1. La France a attiré plus de nouvelles enseignes étrangères

Bon indicateur de l’attractivité du marché français, le nombre d’enseignes étrangères ouvrant un premier magasin dans l’Hexagone est reparti à la hausse en 2021. Ainsi, 38 arrivées ont été recensées l’an passé, soit cinq de plus qu’en 2020. Ce chiffre reste cependant loin du pic de 2019 (57) et en deçà de la moyenne des cinq années précédant la crise sanitaire (46). « La liste des nouveaux arrivants de 2021 permet néanmoins de prendre la mesure des transformations du commerce. Si la mode est toujours bien représentée, rassemblant 21 % des nouveaux entrants recensés en 2021 dont KITH, AXEL ARIGATO ou KOKER, sa part a diminué de 17 points par rapport à la période 2015-2019. En revanche, la restauration poursuit sa percée, gagnant près de 10 points avec une part passée de 13 % entre 2015 et 2019 à 22 % en 2021 » détaille Antoine Grignon. D’autres nouveaux entrants étrangers appartiennent à des secteurs plus récents mais en plein essor comme le CBD et surtout la livraison express. L’année 2021 aura ainsi été marquée par l’arrivée en France de plusieurs acteurs du « quick commerce » comme GORILLAS, FLINK, GETIR, YANGO DELI ou ZAPP. Ciblant des surfaces comprises entre 200 et 800 m², ces entreprises ont rapidement étendu leur toile, amorçant leur développement à Paris avant d’ouvrir dans plusieurs communes de 1ère couronne et quelques grandes métropoles régionales. Sur l’ensemble des dark stores identifiés à la fin de 2021, 42 % sont situés à Paris, 27 % dans d’autres communes d’Ile-de-France et 31 % en région. En 2022, certains de ces acteurs, s’appuyant sur d’importantes levées de fonds, comptent accélérer leur développement. Ils profiteront pour cela de conditions favorables sur le marché immobilier compte-tenu d’une offre de locaux disponibles encore importante, même si la volonté des municipalités de mieux réguler le phénomène pourrait à terme contraindre leur expansion.

  1. Plusieurs acteurs récents ou en plein essor prennent le relais de secteurs moins dynamiques

L’expansion du quick commerce – phénomène hyper-urbain particulièrement développé à Paris – est une manifestation évidente des mutations du commerce dans la capitale. Elle n’en est pas la seule illustration, le marché immobilier des commerces bénéficiant aussi de la demande d’autres secteurs en plein essor (CBD, seconde main, mobilités douces, etc.) et du développement de secteurs moins récents mais également dynamiques (restauration rapide, décoration, cabinets médicaux, etc.). « Ce renouvellement de l’offre contribue à animer les quartiers résidentiels comme les grandes artères de la capitale. Ainsi, les secteurs de l’alimentation et de la restauration ne comptent que pour 9 % du nombre de départs d’enseignes relevés sur les axes prime de la capitale entre la fin du 1er semestre et la fin du 2nd semestre 2021, mais pour 15 % des arrivées » constate Antoine Salmon, directeur du département Commerces locatif chez Knight Frank France. Le ratio est également positif pour les secteurs de la maison, de la culture et des loisirs (1 % des départs et 8 % des arrivées pour le premier et 15% pour le deuxième). Il est en revanche négatif pour le secteur de la beauté et celui des services, l’un des plus exposés à la digitalisation des modes de vie (agences bancaires et de voyages) et à la baisse du tourisme (bureaux de change). C’est également le cas du secteur de la mode, qui représente la plus grande part des départs d’enseignes relevés sur les axes prime parisiens (37 %) mais qui est encore à l’origine d’un nombre très important d’arrivées (33 %).

Hors de Paris, les tenant mix des nouveaux ensembles commerciaux mettent également la restauration et les loisirs à l’honneur, témoignant de l’adaptation des projets aux nouvelles tendances de consommation. 34 % des enseignes ayant ouvert au sein des ensembles inaugurés en 2021 appartiennent ainsi au secteur de la restauration, dont la part était encore inférieure à 25 % deux ans auparavant. La place désormais incontournable de la restauration est également illustrée par la profusion de nouveaux food courts, dont plusieurs ont été inaugurés l’an passé (« Food Society Lyon Part-Dieu », « Grand Scène » au 31 rue de Béthune à Lille, etc.) ou le seront en 2022 (« Les Ateliers Gaîté » à Paris).

  1. Les taux de vacance ont commencé à diminuer sur certains axes prime parisiens

La reprise de la consommation, le dynamisme de certaines activités et la baisse parfois conséquente des loyers ont contribué à la réduction du taux de vacance de certains grands axes parisiens au 2nd semestre 2021. « La baisse concerne des rues dont les difficultés remontaient à plusieurs années. C’est le cas de la rue de Rennes, dont le taux de vacance était de 10 % à la fin 2020 et est aujourd’hui inférieur à 8 %. La diminution a également été nette rue de Rivoli dont le taux de vacance, qui s’établissait à près de 13 % à la fin de 2020 puis à 11 % à la fin du 1er semestre 2021, est passé sous les 9 % » explique Antoine Salmon. En quelques mois, plusieurs arrivées ont par exemple été recensées ou sont en préparation rue de Rennes, qu’il s’agisse de créations de nouveaux points de vente (BOULANGER, ALINEA, FOOT LOCKER, ALTERMUNDI, BROWNIE, etc.) ou de transferts de magasins issus de rues voisines (NESPRESSO).

En 2022, la vacance pourrait continuer de diminuer sur certains axes, et demeurera limitée sur ceux qui ont pour l’instant bien résisté à la crise sanitaire (certaines rues du Marais, rue de Passy, etc.). En revanche, en restreignant les arrivées de touristes et en intensifiant le recours au télétravail, le rebond épidémique pourrait, au moins temporairement, ralentir l’absorption des locaux disponibles dans certains quartiers de bureaux ou sur les artères les plus exposées aux dépenses des visiteurs étrangers.   

  1. Les groupes de luxe préparent le retour de la clientèle internationale

La nouvelle dégradation de la situation sanitaire pourrait repousser la reprise du marché du luxe parisien, dont l’activité reste en deçà des niveaux d’avant crise et tranche avec l’euphorie constatée dans d’autres régions du monde comme les Etats-Unis. « 32 boutiques de luxe ont ouvert en 2021 à Paris après 29 en 2020, contre 45 en moyenne lors des cinq années précédant la crise sanitaire. Un rebond des ouvertures paraît peu probable en 2022 au vu du nombre de projets en cours de finalisation et de la tendance à la baisse des créations de nouvelles boutiques. En 2021, celles-ci n’ont ainsi représenté que 22 % des ouvertures recensées à Paris contre 37 % en moyenne depuis cinq ans » annonce Antoine Salmon. L’année qui vient de débuter confirmera la tendance à l’amélioration de l’existant. Les prochains mois seront ainsi marqués par quelques ouvertures ou réouvertures emblématiques, parmi lesquelles plusieurs opérations d’extension comme DIOR au 30-32 avenue Montaigne, CARTIER au 11-13 rue de la Paix ou CHANEL au 21-23 rue du Faubourg Saint-Honoré. D’autres projets majeurs, de création, d’extension ou de rénovation, sont également prévus après 2022, comme GUCCI dans le secteur de la rue Saint-Honoré ou SAINT LAURENT et DIOR sur les Champs-Elysées, soulignant l’importance cruciale que revêt Paris pour les grands groupes du secteur. « S’attachant à mettre en valeur leurs marques les plus puissantes et à enrichir la qualité de l’expérience client, cette offre renouvelée, parfois spectaculaire et mieux adaptée aux nouvelles tendances de consommation permettra à la ville lumière de conforter son rang de capitale du luxe et de tirer profit du retour progressif des touristes étrangers les plus dépensiers » poursuit Antoine Salmon.

  1. La périphérie confirme son dynamisme

Les zones commerciales de périphérie ont encore fait montre en 2021 de leur capacité de résistance. Cette tendance se confirmera en 2022, d’autant que le renforcement récent du télétravail accentuera le report de la consommation des Français près de leur domicile. La périphérie mettra aussi à profit ses nombreux atouts (surfaces de grande taille, charges et loyers plus modérés, accessibilité aisée, etc.) pour continuer à attirer les enseignes de centre-ville ou de centre commercial cherchant à optimiser leur réseau de magasins et à réduire leurs coûts immobiliers. Enfin, elle bénéficiera des projets d’expansion importants d’enseignes de secteurs comme l’alimentaire ou la restauration rapide. Plusieurs enseignes discount maintiendront aussi des rythmes élevés d’ouverture, à l’exemple d’Action qui après avoir ouvert un peu plus de 90 magasins en 2021 compte en ouvrir peu ou prou le même nombre en 2022.

« La périphérie a de beaux jours devant elle, d’autant que les couronnes périurbaines qui, ces dernières années, ont été les principales bénéficiaires de la croissance démographique, pourraient aussi être les grandes gagnantes des nouveaux parcours résidentiels des Français. Depuis le déclenchement de l’épidémie de Covid-19, la crise sanitaire a notamment donné un coup de boost aux achats de maisons individuelles. Cet engouement, s’il se confirmait, augure d’une croissance soutenue de la consommation en périphérie et donc d’une demande durable des enseignes pour des emplacements dans ces territoires » prévoit Antoine Grignon. Ceci explique également l’appétit des investisseurs pour les parcs d’activités commerciales. En 2021, ces derniers ont d’ailleurs rassemblé, pour la première fois depuis 2008, la plus grande part des volumes investis sur le marché français des commerces (35 % contre 18 % en moyenne depuis 10 ans), juste devant les rues commerçantes et loin devant les centres commerciaux.

  1. La baisse des nouveaux développements limite la pression sur les sites existants

En 2020, le volume des inaugurations de nouveaux m² de centres commerciaux avait diminué de 16 % sur un an et celui des retail parks de 54 %. Illustrant le poids des recours et les difficultés de financement et de commercialisation de certains projets, la tendance était déjà à la baisse depuis quelques années mais s’est accentuée en raison de l’épidémie de Covid-19 et des retards de travaux occasionnés par les périodes de confinement.

En 2021, les inaugurations de centres commerciaux ne se sont pas redressées. « Alors qu’elle était encore de 39 % en 2016, la part des centres commerciaux sur l’ensemble des ouvertures n’a été que de 18 % en 2021 : moins de 100 000 m² de centres commerciaux ont ainsi été inaugurés en France l’an passé contre 130 000 m² en 2020 et 330 000 m² en 2016 » annonce Antoine Grignon. En 2021, le volume des ouvertures de retail parks a quant à lui progressé de 39 % en un an grâce aux livraisons initialement attendues en 2020 ( « Shopping Promenade Cœur d’Alsace », « Shopping Promenade Claye-Souilly », etc.). Toutefois, la baisse est de 28 % par rapport à la moyenne des cinq années précédant la crise sanitaire.

Les ouvertures de projets de pieds d’immeuble ont en revanche été plus nombreuses. Passant de 4 % des livraisons recensées entre 2015 et 2019 à 16 % en 2021, leur part a continué d’augmenter grâce au plus grand nombre d’opérations développées dans le cadre de l’aménagement de nouveaux quartiers. En outre, ces projets ne sont pas impactés comme les centres commerciaux et les retail parks par les recours et le durcissement de la réglementation encadrant le développement de nouvelles surfaces commerciales. Ce durcissement, acté en 2021 par la promulgation de la loi Climat et résilience, intervient alors que les surfaces de locaux commerciaux autorisées sont déjà orientées à la baisse depuis quelques années. « Dans ce contexte, il faut s’attendre à une baisse durable des nouveaux développements, ce qui limitera la concurrence exercée par les nouveaux projets sur les actifs existants et pourrait donc leur permettre de mieux résister aux difficultés liées à la crise sanitaire » explique Antoine Grignon.

  1. Les actifs obsolètes recèlent un potentiel de transformation

Les difficultés rencontrées par certains ensembles commerciaux posent la question du devenir des biens les moins adaptés aux nouvelles tendances de consommation ou les plus fragilisés par la concurrence d’autres commerces. Si quelques projets de conversion en logements, bureaux ou sites dédiés à la logistique du dernier kilomètre sont à l’étude, les changements d’usage restent néanmoins assez rares. Selon Antoine Grignon, « l’équilibre financier de telles opérations est difficile à trouver en raison notamment de la valeur souvent élevée des actifs de commerce par rapport à d’autres types de biens. La tendance actuelle est plutôt à la transformation de commerces en d’autres types de biens commerciaux ou en opérations mixtes ». Plusieurs projets récents concernent ainsi des centres commerciaux à transformer en rues commerçantes (« Bobigny Cœur de Ville ») et en programmes intégrant des logements, des commerces, des bureaux et parfois des loisirs (« Quais d’Ivry », « Les Passages Mériadeck », etc.). En périphérie, les exemples de grandes « boîtes » commerciales découpées en moyennes surfaces sont de plus en plus nombreux (ex LEROY-MERLIN de Saint-Berthevin ou de Saint-Chamond), offrant ainsi aux enseignes des opportunités d’implantation sans consommer de nouveau foncier.

  1. Métavers : le meilleur des deux mondes ?

L’émergence du métavers a été l’un des phénomènes les plus marquants de la fin de 2021. Permettant aux marques d’expérimenter de nouvelles façons de communiquer et de distribuer leurs produits, cet univers parallèle est annoncé comme le moyen de s’adapter aux changements de profils des consommateurs. Il leur offre également l’opportunité de générer des revenus complémentaires, comme l’ont récemment illustré les initiatives de grands noms du luxe ou du sport comme ADIDAS, NIKE ou GUCCI.

La façon dont les enseignes vont investir le champ du métavers ne devrait pas être très éloignée des dynamiques du marché des commerces, axées sur l’importance de la qualité des services, la nécessité de réenchanter l’expérience client et le rôle crucial de l’emplacement (virtuel dans le cas du métavers) comme outil de communication au service de la marque. Néanmoins, de nombreuses questions restent encore en suspens, en particulier celle de l’impact sur le marché immobilier. Verra-t-on se multiplier les projets d’enseignes ouvrant des boutiques virtuelles sur le métavers, comme autant d’avatars de boutiques physiques ? Leur expansion dans le métavers va-t-elle conduire les enseignes à optimiser leur réseau de magasins en dur pour ne se focaliser que sur les points de vente les plus rentables, dans une logique de complémentarité entre physique et virtuel ? Enfin, alors que de premiers emplacements fictifs se sont déjà échangés pour plusieurs millions de dollars, ce nouveau marché de l’investissement va-t-il se développer à plus grande échelle ?

« L’avenir du métavers est encore difficile à cerner. Pour l’instant, l’émergence de ce phénomène ne semble pas annoncer la mort du commerce physique. Il est plutôt le signe d’une accélération de la phygitalisation du commerce, mouvement de fond à l’œuvre depuis plusieurs années et tirant parti du meilleur des deux mondes, le réel et le virtuel » conclut Antoine Grignon.