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17 jan. 23

Le marché attend sa correction

Bilan 2022 et perspectives 2023 du marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise

Après un très bon 1er semestre 2022, le marché français a commencé à s’essouffler au 3e trimestre. Mais c’est au 4e trimestre que l’impact du resserrement monétaire s’est vraiment concrétisé, avec des volumes d’investissement divisés par deux par rapport à la même période l’an passé. L’attentisme continuera de prévaloir durant les premiers mois de 2023, mais le marché pourrait regagner en fluidité au 2nd semestre en cas d’ajustement plus marqué et général des prix. Knight Frank dresse le bilan de l’année 2022 et livre quelques perspectives pour 2023.

Décrochage brutal au 4e trimestre

« Les sommes engagées sur le marché français ont totalisé 25,4 milliards d’euros en 2022, soit un volume inférieur de 4 % à celui de 2021 et très proche de la moyenne décennale » annonce Antoine Grignon, Directeur du département Investissement chez Knight Frank France. Toutefois, après avoir progressé lors de chacun des trois premiers trimestres de 2022, les volumes ont brutalement décroché en fin d’année. « Alors qu’il s’agit habituellement de la période la plus dynamique, seuls 5,1 milliards d’euros ont été investis dans l’Hexagone au 4e trimestre, soit une baisse de 54 % par rapport à la même période en 2021 et un niveau au plus bas sur un 4e trimestre depuis 2013 » poursuit Antoine Grignon. Si l’activité avait commencé à s’essouffler dès l’été, c’est au 4e trimestre que les conséquences de la hausse du coût de l’argent et de l’attentisme accru des investisseurs se sont traduites dans les chiffres. Six milliards d’euros manquent ainsi à l’appel par rapport au 4e trimestre 2021, un volume d’ailleurs assez proche de l’estimation faite par Knight Frank du montant représenté par les actifs retirés du marché et les transactions mises en stand-by en raison des divergences de vues entre vendeurs et acquéreurs.

Le recul de l’activité est particulièrement évident sur le segment des grandes opérations. Ainsi, sur les 65 transactions supérieures à 100 millions d’euros actées en France en 2022, seules 13 l’ont été au 4e trimestre 2022 pour un volume de 2 milliards d’euros. 24 avaient été comptabilisées au 4e trimestre 2021 pour un volume presque trois fois plus important. Fait inhabituel, une minorité des grandes transactions de la fin de 2022 ont été signées en Ile-de-France. « L’année 2022 a accentué la tendance, observée depuis le déclenchement de la crise sanitaire, à l’érosion de la domination de l’Ile-de-France. Avec 15,5 milliards d’euros investis l’an passé, soit une baisse de 5 % sur un an, Paris et sa région rassemblent 61 % de l’ensemble des montants engagés en France, toutes classes d’actifs confondues, contre 75 % en moyenne lors des dix années précédant l’épidémie de Covid-19 » détaille Antoine Grignon. Si l’activité y a également ralenti au 4e trimestre, la province a mieux résisté en 2022 avec un peu moins de 10 milliards d’euros investis, volume quasi stable sur un an.

Bureaux : moins bonne performance depuis 2013

Les bureaux ont rassemblé 13,6 milliards d’euros en 2022 contre 16,2 milliards un an auparavant. Il s’agit aussi de leur moins bonne performance depuis 2013. Alors qu’ils rassemblaient en moyenne 67 % de l’ensemble des volumes investis sur le marché français de l’investissement d’entreprise depuis dix ans, leur part est tombée à 54 % l’an passé. « A l’heure où nombre d’investisseurs très exposés aux actifs tertiaires souhaitent diversifier leur patrimoine, et alors que la correction des prix tarde davantage à se concrétiser sur ce segment que sur ceux de l’industriel et des commerces, le marché des bureaux est logiquement le plus pénalisé par la nouvelle donne financière. En Ile-de-France, l’attentisme est d’autant plus important que le télétravail, plus ancré qu’en région, pourrait peser durablement sur la consommation de m² de bureaux et que les taux de vacance sont, hors de Paris, historiquement élevés » explique Antoine Grignon.

Sur les 10,6 milliards d’euros investis sur le marché des bureaux d’Ile-de-France en 2022 (- 17 % sur un an), c’est donc sans surprise dans les secteurs périphériques que la chute a été la plus forte. C’est le cas en 1ère couronne, où les sommes engagées l’an passé atteignent un peu moins d’1,5 milliard d’euros, volume inférieur de 56 % à celui de 2021 et de 39 % à la moyenne décennale. Dans le Nord, où sept signatures de plus de 100 millions d’euros avaient animé le marché en 2021,quatre ont été actées en 2022. Parmi les opérations les plus significatives, notons la vente récente par LA FRANÇAISE de « Kappa » à Saint-Ouen, commune qui, avec Clichy, a concentré près de 90 % des volumes investis dans le Nord l’an passé. Malgré la finalisation récente de quelques transactions importantes, comme la vente à ICAMAP de « CB3 » à La Défense ou l’achat par HSBC REIM d’« Axe 13 » à Nanterre, l’activité a également décroché dans l’Ouest, où plusieurs opérations de grande taille ont été retirées du marché. Toutes tailles confondues, le cumul des opérations signées en 2022 dans le Croissant Ouest et à La Défense atteint à peine 2,4 milliards d’euros, contre 3,1 milliards en 2021 et plus de 5 milliards en moyenne lors des dix dernières années. Si les taux de vacance parfois importants dissuadent un nombre croissant d’investisseurs de se positionner sur des bureaux à acquérir dans l’Ouest et en 1ère couronne, d’autres saisissent néanmoins l’opportunité d’acquérir des immeubles à des valeurs réajustées. « Certains de ces actifs pourront à terme faire l’objet d’un changement d’usage, en logements notamment, à l’exemple des acquisitions réalisées dans des communes comme Charenton, Rueil-Malmaison, Courbevoie, Asnières, Clichy ou Fontenay-sous-Bois, notamment par des promoteurs et des bailleurs sociaux » poursuit Antoine Grignon.

La solidité du marché parisien tranche avec l’essoufflement constaté dans la plupart des secteurs de périphérie. Paris accroît ainsi sa part dans les volumes investis, comptant pour près de 60 % des sommes engagées en bureaux en Ile-de-France en 2022 contre 45 % en moyenne depuis dix ans. Dans le quartier central des affaires, les volumes investis ont été supérieurs de 8 % à ceux de 2021. Hors QCA, la performance de 2022 a même dépassé de 11 % la moyenne décennale grâce à plusieurs grandes et très grandes transactions comme la vente à SFL au 1er semestre du 91-93 boulevard Pasteur dans le 15e, ou les acquisitions au 2nd semestre par LA MONDIALE du 61-63 rue des Belles Feuilles dans le 16e et par PRIMONIAL de « Bloom » dans le 12e. « Les perspectives restent positives pour le marché des bureaux de la capitale. C’est le cas du QCA en particulier, soutenu par une activité locative quasi record et où quelques opérations majeures sont encore attendues en 2023. Cela dit, le marché parisien n’a pas échappé au 2nd semestre à la décélération de l’activité liée, comme dans les autres secteurs, à la hausse des coûts de financement et aux divergences de vues entre vendeurs et acquéreurs. La révision du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris ajoute également au manque de visibilité, sur l’évolution de l’offre ou de la valeur des actifs, avec plus de 500 immeubles « pastillés » dont 47 % sont situés dans le QCA » précise Antoine Grignon.

Enfin, après un 3e trimestre peu animé, l’année 2022 s’est achevée sur une note positive pour le marché des bureaux en région. Les volumes y sont repartis à la hausse au 4e trimestre grâce à la finalisation de plusieurs transactions significatives, à Lyon notamment. Sur l’ensemble de 2022, un peu plus de trois milliards d’euros ont été investis sur les marchés tertiaires régionaux, soit une baisse de 16 % sur un an. Si quelques villes moyennes jouissent d’une attractivité accrue, les volumes ont avant tout été gonflés par la signature d’opérations d’envergure au sein des plus grandes métropoles, comme l’achat par PERIAL de la tour « La Marseillaise » au 1er semestre ou, au 4e trimestre, l’acquisition par BLACKROCK auprès de DCB du projet « M Lyon » et la vente par ICADE ET SOGEPROM de 13 200 m² de bureaux dans le quartier de La Part-Dieu. Le marché rhône-alpin a été particulièrement dynamique, avec 1,1 milliard d’euros investis en bureaux en 2022. L’agglomération lilloise, où KEYS REIM a récemment acquis le siège du CREDIT DU NORD, s’est aussi distinguée. « Moins exposés au télétravail et aux soubresauts de l’activité mondiale, les marchés tertiaires régionaux sont plus stables et leur offre de bureaux structurellement limitée. Ces marchés profitent également des stratégies de diversification géographique d’acteurs français ou étrangers, à l’exemple des opérations menées pour le compte d’investisseurs nord-américains, britanniques ou allemands » explique Antoine Grignon.

Troisième meilleure année de l’histoire pour les commerces

Si 2022 a été la moins bonne année du marché français des bureaux depuis 2013, celui des commerces avait rarement fait mieux que l’an passé. « 5,7 milliards d’euros ont été investis sur le marché français des commerces en 2022, soit une hausse de 16 % par rapport à la moyenne décennale et la troisième meilleure performance de son histoire après 2014 et 2019. Ce résultat tient à un nombre élevé de grandes transactions, 16 supérieures à 100 millions d’euros ayant été recensées en France en 2022 contre quatre seulement en 2021 » indique Antoine Grignon. Malgré un ralentissement au 3e trimestre, la fin d’année a tout de même été animée par la signature de trois nouvelles grandes opérations qui sont autant de ventes de portefeuilles. « Sur l’ensemble de 2022, les portefeuilles concentrent 41 % des volumes investis sur le marché français des commerces. Par ailleurs, deux de ces grandes cessions de fin d’année concernent la vente de magasins GRAND FRAIS et d’hypermarchés CORA, témoignant de l’intérêt persistant des investisseurs pour le commerce alimentaire » poursuite Antoine Grignon.

Tous les formats commerciaux ont contribué au très beau résultat de 2022. Pour les parcs d’activités commerciales, l’année écoulée a même été historique, avec 1,5 milliard d’euros investis soit une hausse de 78 % par rapport à la moyenne décennale. Comme sur d’autres segments de marché, la vente de portefeuilles d’enseignes a joué un rôle décisif, mais l’activité a également été soutenue par de nombreuses cessions d’actifs unitaires, de très grande taille comme le « Shopping Parc » de Carré Sénart, cédé à AMUNDI par URW, ou de moindre envergure. « Le record battu par les parcs d’activités commerciales est le signe d’un marché arrivé à maturité. Les investisseurs sont désormais très familiers de ce format, qui a fait ses preuves depuis plusieurs années et a bien résisté à l’épidémie de Covid-19 » explique Antoine Grignon. Le succès des parcs d’activités commerciales devrait se confirmer en 2023. « Les parcs d’activités commerciales continueront de bénéficier en 2023 de leur positionnement « triple A » : Attractivité des rendements pour des investisseurs chahutés par la nouvelle donne financière, Attractivité des coûts d’occupation pour des enseignes accélérant la rationalisation de leur immobilier afin de préserver leur rentabilité, et enfin Attractivité des prix pour des consommateurs au pouvoir d’achat rogné par l’inflation » poursuit Antoine Grignon. Toutefois, les volumes investis ne devraient pas être aussi élevés cette année en raison du manque de visibilité sur l’évolution des taux et d’un nombre moins important de grands actifs unitaires et de portefeuilles disponibles sur le marché.

Les centres commerciaux rassemblent quant à eux 1,3 milliard d’euros, montant élevé encore gonflé au 4e trimestre par la cession d’un portefeuille de galeries pour un peu plus de 100 millions d’euros et la vente à MRM par ALTAREA des centres de Flins-sur-Seine dans les Yvelines et d’Ollioules dans le Var. De fait, les arbitrages opérés par de grandes foncières souhaitant recentrer leur patrimoine, comme ALTAREA ou encore URW avec la vente de 45 % de « Carré Sénart » ou de « V2 » à Villeneuve d’Ascq, ont permis de soutenir l’activité tout au long de 2022. « La vente de biens à repositionner est également une tendance lourde du marché français des centres commerciaux, chahuté depuis quelques années par l’évolution des modes de consommation. Cette classe d’actifs offre ainsi des opportunités à certains acteurs spécialisés, profitant de valeurs réajustées et capables de relancer des centres requérant un vrai travail d’asset management, en mixant les usages notamment » précise Antoine Grignon.

Enfin, après les deux opérations exceptionnelles du 3e trimestre – l’acquisition par LVMH du portefeuille DRAY et la cession par GROUPAMA du 150 avenue des Champs-Élysées – la fin d’année a été bien plus terne pour les rues commerçantes. Ce segment de marché a tout de même rassemblé 2,1 milliards d’euros en 2022, soit 38 % des volumes investis en commerces en France contre 44 % en moyenne depuis dix ans. 2023 s’annonce déjà comme une bonne année, plusieurs transactions majeures étant notamment attendues sur quelques-uns des axes les plus prestigieux de la capitale.

Industriel : une baisse à relativiser

En 2022, le marché des locaux industriels n’a pas suivi la tendance positive du marché des commerces. Avec près de 6 milliards d’euros l’an passé, les sommes engagées sur le marché de l’immobilier industriel ont ainsi diminué de 14 % par rapport à 2021. « Les premiers signes de ralentissement constatés cet été se sont confirmés au 4e trimestre. La baisse des volumes doit néanmoins être relativisée, le résultat de 2022 étant le deuxième meilleur de l’histoire et dépassant de 79 % la moyenne décennale » annonce Antoine Grignon. Comme en 2021, la logistique a joué un rôle moteur l’an passé, illustré au 4e trimestre par la cession par RENAULT à ARGAN de sa plateforme de 153 000 m² de Fouchères dans l’Yonne, également emblématique de l’intérêt pour les opérations de sale and leaseback. Malgré un tassement des ventes en ligne depuis la fin des mesures de restriction sanitaire, l’importance du e-commerce continue par ailleurs de soutenir l’intérêt des investisseurs pour les actifs dédiés à la livraison du dernier kilomètre, à l’image de la cession à REALTERM du portefeuille « Matrix » pour plus de 150 millions d’euros. Cette transaction porte à 47 % la part des portefeuilles sur la totalité des volumes investis en 2022 sur le marché français de l’immobilier industriel et à 75 % la part des ventes réalisées au profit d’investisseurs étrangers. « La diversification du marché de l’immobilier industriel ne se limite pas à la seule livraison du dernier kilomètre. En 2022, l’engouement des investisseurs pour les data centers s’est accentué et perdurera en 2023 compte tenu des besoins croissants en matière de stockage de données » explique Antoine Grignon.

Quelles perspectives pour 2023 ?

Après la chute brutale des volumes investis au 4e trimestre 2022, ces derniers resteront probablement assez bas lors des premiers mois de 2023. Entretenu par la poursuite du resserrement monétaire, l’attentisme des investisseurs continuera d’entraver l’activité, sur le segment des grandes transactions notamment. Le manque persistant de visibilité sur l’évolution des prix et les divergences de vues encore importantes entre vendeurs et acheteurs pèseront également sur le résultat du marché français. « Depuis la fin du 2e trimestre, une correction des taux de rendement prime a certes été actée, avec une compression de 25 à 50 points de base pour les bureaux et les commerces parisiens les mieux situés, et de 100 points de base pour les entrepôts logistiques. Or, l’activité ne retrouvera réellement de la fluidité qu’à la condition d’un ajustement encore plus franc des valeurs et d’une reconstitution de la prime de risque immobilière » indique Antoine Grignon. Le contexte financier, économique et géopolitique demeurant très incertain, il est difficile de prévoir quand pourrait survenir cette reprise. Mais si les conditions de marché devenaient plus favorables au 2nd semestre 2023, ceci ne se traduirait sans doute pas dans le total des volumes investis avant 2024 compte tenu de la sélectivité accrue des investisseurs et de l’allongement des durées de négociation. Par ailleurs, « lorsqu’elle adviendra, la reprise sera sans doute très inégale, bénéficiant en premier lieu aux classes d’actifs ayant subi la décompression la plus marquée, à ceux répondant aux stratégies de diversification des investisseurs ainsi qu’aux biens les plus adaptés à la demande des utilisateurs et performants sur le plan environnemental » conclut Antoine Grignon.